• Nadia Bouchikhi, jeune coiffeuse, est atteinte de vitiligo, et alors ?
  • Nadia Bouchikhi, jeune coiffeuse, est atteinte de vitiligo, et alors ?

  • Campagne publicitaire de l’Association Française du Vitiligo
    Modèle Nadia Bouchikhi - Photo Daniel Pister

    Un grand nombre d’entre nous ne connaissent pas la maladie du Vitiligo et pour cause, elle n’atteint que 2 à 3% de la population française. Elle se caractérise par une dépigmentation de la peau qui affecte plus particulièrement les mains, le visage, les lèvres et les pieds, mais également d’autres parties du corps.
    Toute personne, homme ou femme de tout âge et tout type de peau peut être affecté. Nadia Bouchikhi jeune coiffeuse de 25 ans est atteinte de Vitiligo. Le regard des gens n’est pas toujours évident, mais elle se bat quotidiennement contre l’attitude déplacée des autres, et prend la pose avec assurance pour la campagne publicitaire de l’Association Française du Vitiligo « Nous aussi nous avons des tatouages, les nôtres sont naturels ». Interview exclusive.
    Daphné Malan.

    Nadia-Bouchikhi

    Livecoiffure : Vous êtes atteinte par cette maladie depuis vos 14 ans, pourquoi avez-vous choisi la coiffure, un métier où l’apparence est de mèche?
    Nadia : J’ai toujours été passionnée par la coiffure, j’ai fait ma première tresse sur une poupée Barbie comme je pense de nombreuses petites filles. Mon vitiligo est apparu à l’âge de 14 ans soit à peu près lorsque j'ai fait mon premier stage de découverte du métier en salon de coiffure.
    De ce fait, il n’a pas été un critère dans mon choix pour cette vocation. Je n’avais que quelques petites taches sur le visage et les mains que je cachais avec du fond de teint. Aujourd’hui mon vitiligo s’est développé à environ 40% sur mon corps et forcément le regard de mes clients est très difficile, même s'ils ne connaissent pas cette maladie.
    Ils sont curieux de savoir ce que sont ces taches mais leurs questions sont posées très souvent maladroitement. Etant d’origine méditerranéenne j’ai la peau mate. Du coup, en été la différence entre ma couleur de peau naturelle et mes parties dépigmentées est très contrastée. C’est à cette période que le regard des gens est le plus difficile à gérer.
    Pour moi, la coiffure est plus un métier artistique qu’un métier d’apparence. J’aime mettre en valeur la beauté naturelle de mes client(e)s. Le lien entre la coiffure et la mode est très fort. Je ne pense pas non plus que la mode soit un univers d’apparence mais plus d’identité de chacun.

    Livecoiffure : Vous soutenez l’Association Française du Vitiligo, comment en êtes-vous venue à poser pour leur campagne publicitaire « Nous aussi nous avons des tatouages, les nôtres sont naturels »?
    Nadia : Je vis depuis 6 ans avec mon compagnon qui est photographe de mode et qui travaille pour des grands coiffeurs. Depuis il me soutient tous les jours pour accepter et mettre en avant ma différence au lieu de la cacher. Très souvent on camoufle cette maladie, aujourd’hui encore tout le monde pense que Mickael Jackson se faisait blanchir la peau alors qu’il était atteint en réalité du vitiligo. Malheureusement il n’a pas communiqué ni aidé la recherche.
    Il me semble très important qu’au 21ème siècle on puisse enfin vivre avec ses différences sans les cacher et sans avoir peur du regard des autres. Après avoir monté le projet de ces photos, mon compagnon s’est mis en contact directement avec l’Association Française du Vitiligo qui a adhéré immédiatement à ce genre de communication novatrice pour cette maladie.

    Livecoiffure : Vous avez-également posé avec Gérard Kuchno de la Maison Gérard Laurent, d’où vous est venue l’idée de collaborer ensemble pour cette cause ?
    Nadia : Je suis très fan de la Maison Gérard Laurent, ce sont mes mentors et une source d’inspiration artistique. Lorsque j’ai passé ma mention complémentaire de coiffure je me suis inspirée d’une de leurs photos que j’avais vue dans leur magazine et j’ai eu la meilleure note en coupe hommes de cet examen.
    La surprise de ma vie a été que par le plus grand des hasards je sois tombée amoureuse de mon compagnon, Daniel Pister, qui est l’ami d’enfance de Gérard Kuchno et de Laurent Delafoy. Il s'avère qu'il est le photographe de la Maison Gérard Laurent. Je ne savais pas qu'il réalisait toutes ces merveilleuses photos me donnant déjà envie d’avancer dans la coiffure à l’époque.
    Daniel a eu l’idée de nous réunir Gérard et moi pour cette photo. C’est un très beau mec avec de magnifiques tatouages. Pour Daniel, le vitiligo est une forme artistique naturelle alors que le tatouage à l’encre est artificiel. La mode des tatouages est omniprésente dans notre société depuis quelques années et Daniel a voulu montrer qu’une personne atteinte du vitiligo possède de merveilleux tatouages naturels, et que malgré ces taches, elle peut également être sexy et sensuelle.
    Je voudrais remercier Gérard de la Maison Gérard Laurent pour s’être immédiatement investi dans ce projet qui me tenait tellement à cœur. En plus, imaginez, j’ai posé avec l’une de mes idoles devant l’objectif de l’homme que j’aime, j’en avais le souffle coupé...

    Gérard Kuchno de La Maison Gérard Laurent: Je suis très fier d'avoir pu contribuer à ce projet. Le vitiligo est une maladie qui me touche en tant que professionnel de la mode. Notre milieu est tout de même très porté sur le paraître.
    En acceptant d'y participer, j'ai voulu montrer qu'une femme avec une différence physique peut également porter haut les couleurs de la beauté. J’ai toujours apprécié les personnes qui ont une particularité qui les rendent unique. De plus, poser avec une professionnelle comme Nadia a été un moment magique.

    Maison-Gérard-Laurent-et-Nadia-Bouchikhi---VITILIGO
    Gérard Kuchno et Nadia Bouchikhi - Photo Daniel Pister

    Livecoiffure : Vous prenez la pose pour cette maladie, mais êtes-vous attirée par la photo en tant que modèle?
    Nadia : A cause de ma dépigmentation je déteste me mettre en avant mais grâce à Daniel j’ai eu la chance incroyable d’être repérée par grand nombre de ses clients. Les photos concernant ma maladie sont très récentes. Je pose pour de nombreuses campagnes publicitaires depuis 6 ans mais sur toutes ces photos, Daniel a dû à chaque fois retoucher et supprimer les tâches de mon corps car les diffuseurs avaient une certaine appréhension du regard de leurs clients et de leurs lecteurs.
    La photo est pour moi une merveilleuse thérapie, cela m’a aidé à accepter mon propre regard sur mon corps. Toutes les photos pour lesquelles je pose ont des parutions dans la presse et des campagnes d’affichage. J’ai réussi à me convaincre que mes taches ne sont pas si moches que ça.
    J’ai régulièrement des rechutes psychologiques sur ce que je pense de mon aspect de par ma différence. Mon vitiligo évolue quotidiennement et ce n’est pas toujours facile de voir mon apparence changer. De nombreux diffuseurs de photos sur lesquelles j'apparais ont vu les photos de la campagne publicitaire pour le Vitiligo. Du coup ils ne demandent plus à retoucher mes taches. Si j’ai pu faire avancer, ne serait-ce que d’un pouce, le regard des gens, mon challenge est réussi. Les retours de la campagne de communication de l’association Française du Vitiligo sont plus que positifs. J’ai reçu un nombre incroyable de messages de remerciements de personnes atteintes par cette maladie. Mon souhait est de pouvoir poser dorénavant sans que mes taches soient retouchées comme le fait la mannequin Canadienne Winnie Harlow pour les campagnes de la marque Desigual.

    Livecoiffure : Quel message souhaitez-vous faire passer aux personnes qui ne connaissent pas cette maladie ?
    Nadia : En Inde encore aujourd’hui, le vitiligo est traité comme la lèpre toujours présente dans ce pays. Un grand spécialiste Indien du Vitiligo nous a raconté une anecdote effarante, un patient est venu le consulter afin de lui demander l’amputation d'un bras car il venait de déceler un début de vitiligo. De ce fait il ne pouvait pas demander en mariage la femme qu’il aime à cause du regard de la famille. Un site internet de rencontre est spécialement dédié aux porteurs du Vitiligo en Inde. Après avoir entendu cette anecdote je fus effondrée car je ne savais pas à quel point le Vitiligo pouvait être mentalement dévastateur, à tel point que des personnes se suicident.
    Depuis je suis encore plus motivée à tout faire pour que cette maladie soit connue et acceptée de tous.
    Le message que je veux faire passer est que le Vitiligo n’est absolument pas contagieux, et on ne sait toujours pas pourquoi certaines personnes l’ont. Je vous assure, ce n’est vraiment pas facile à vivre au quotidien. Nous ne sommes que 2 à 3 % de la population française, mais je veux surtout faire passer un message aux personnes qui sont atteintes par cette maladie, ensemble nous pouvons faire avancer le regard des gens et la recherche médicale. Mon seul souhait serait que grâce à ces visuels, j’aie pu poser une pierre symbolique à cet édifice.
    J’ajouterais que la coiffure pour moi est un art de vivre et que ce métier m’a permis de m’épanouir et de rencontrer des gens formidables. Même si j’ai beaucoup d’opportunités dans le mannequinat mon métier principal est la coiffure.
    Permettez-moi de conclure en remerciant LiveCoiffure pour s’être intéressé à cette cause ainsi que de remercier mon compagnon Daniel Pister de me motiver et d’avancer au quotidien. Merci aux diffuseurs de mes visuels et nos partenaires artistiques dans ces projets du Vitiligo, sans oublier bien entendu ma famille et mes amis qui me soutiennent et qui vivent ce combat avec moi chaque jour.

    ASSOCIATION FRANCAISE DU VITILIGO
    www.afvitiligo.com
    Page Facebook: Association Française du Vitiligo
    Daniel PISTER PHOTOGRAPHE
    www.danielphotographe.fr
    Page Facebook: Daniel Pister

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